Nous nous sommes rencontré·es dans une manifestation un 1er mai à Barcelone, il y a très longtemps maintenant. Puis nous nous sommes revu·es dans des réunions qui avaient pour but de changer le monde. En y réfléchissant bien et en regardant notre vie passée ensemble, nous en sommes toujours là. Depuis quelques années déjà, nous avons troqué la rue pour la scène.
Jouer, remuer, utiliser, raconter, rire, essorer, douter, profiter, oser, expliquer, demander, vivre, sentir, douter encore, faiblir, crier, murmurer, inventer… À quoi sert une scène ? Où sont les scènes ? Ta maison pourrait-elle être une scène ? Où finit le théâtre et où commence la vie ? Le café du coin est-il une scène contemporaine ?
Nous voyons et nous vivons la scène comme un prolongement de notre vie. La scène, où qu'elle soit, est un espace public et profondément politique où la neutralité et l'impartialité n'existent pas. Nous ne sommes pas des êtres objectifs, ni sur scène ni nulle part ailleurs. Je pense, tu penses, iel pense, et nous aussi nous devrions penser.
L'art est là pour qu'on l'utilise, et c'est le dispositif parfait pour la dissidence. Nous aimons croire qu'il est, entre autres choses, un outil pour la résistance, pour la critique, et peut-être un cadeau intime à partager en petits groupes. La scène, où qu'elle soit, est un espace protégé et parfait pour tout dire, en s'affranchissant des pédagogies, des conférences et des leçons de morale. Le plateau est notre espace sûr, celui d'où nous pouvons hurler nos désaccords quotidiens, exprimer nos doutes, mettre en évidence nos contradictions, rire de ce qui est intouchable et, avec un peu de chance, ébranler un tant soit peu les structures qui régissent notre vie. La nôtre et celle de nous toustes. Rien que ça.
Dans notre travail, nous consacrons une grande partie de nos efforts à remettre en question et à pointer du doigt les institutions qui nous gouvernent. Nous vivons dans une société douloureusement capitaliste, androcentrique et hétéropatriarcale, une société qui oublie de mettre les personnes au centre, qui ne laisse qu'un infime espace pour les dissidences et la diversité des modes de vie. Quand les institutions s'éloignent des besoins réels des gens, alors apparaissent le mécontentement et l'impuissance, un terrain fertile pour la démagogie. Aujourd'hui, les extrêmes droites européennes et mondiales, aveuglément sous-estimées depuis si longtemps, s'immiscent dans les failles creusées par les doutes et la déception. Et peut-être qu'à notre insu, l'intolérance s'installe un peu en chacun·e de nous, sans crier gare. Comment nous débattre dans tout ça sans y laisser notre peau ?
Chercher des allié·es, travailler collectivement, prendre le temps de s'écouter, ouvrir des espaces pour s'entendre et construire ensemble, même si tout cela semble fatigant, utopique et démodé. Des espaces comme les journées « Écho du monde » peuvent devenir des lieux de résistance, où partager des visions politiques.
Agnés Mateus et Quim Tarrida
Traduction Marion Cousin
Journées Écho du monde
Ces trois journées mêleront ateliers, conversations, projections, lectures, performances et fête ! Trois samedis augmentés à partager ensemble, pour vivre autrement le Théâtre de la Bastille.
Samedi 27 septembre : Théâtre et politique, un passe-temps fantastique
Samedi 7 février : Nos corps, une histoire de résistance
Samedi 13 juin : À l'idéal on est tenu·e
Parcours de spectacles
Plusieurs spectacles de la saison interrogeront les liens entre théâtre, institutions et contre-pouvoirs, esquissant les contours de nos futures résistances. Vous pourrez les identifier grâce à notre logo Écho du monde.