théâtre

de la bastille

Théâtre de la Bastille

main

Voir et voir.


24 nov > 17 dec

De cette différence de vue naît, en effet, tout ce qui nous unit et nous sépare les uns des autres.

Jeu 24, ven 25 (nov), ven 2, sam 3, mar 6, mer 7, ven 16, sam 17 (dec), spectacle à 19h30.

Voir et voir


Texte de Gerardjan Rijnders, de et avec Sara De Roo et Guy Dermul. Musique interprétée en direct par Paul De Clerck (24, 25 novembre), Eric Morel (2, 3 décembre), Alain Franco (6, 7 décembre) et John Parish (16, 17 décembre). Traduction Anne Vanderschueren. Décor et lumière Thomas Walgrave. Costumes Ann D'Huys. Coproduction tg et Dito'Dito. Coproducteurs de la version française Festival d'Automne à Paris et Théâtre de la Bastille.

S'agit-il du décalage inévitable entre deux subjectivités ? voir et voir, titre donné par Geradjan Rijnders au spectacle que présentent en français Sara De Roo et Guy Dermul, ouvre en tous cas tout un champ d'interrogation. « Je ne vois pas ce que tu vois », dit-on parfois ou « C'est comme ça que je vois les choses ». Bref, quand on voit, que voit-on ? Quelles vues partageons-nous ? Cela n'est pas aussi trivial qu'il semblerait au premier abord. De cette différence de vue naît, en effet, tout ce qui nous unit et nous sépare les uns des autres. Le malentendu est une source inépuisable pour le théâtre et, dans une certaine mesure, aucun dialogue ne serait possible autrement. Dialoguer devient alors en quelque sorte une façon de dissiper un malentendu. Seulement, cela ne marche pas toujours. Parfois, les choses se compliquent. Parce que l'on ne voit pas de la même manière ou qu'un même mot n'est pas interprété de la même façon. C'est qu'il y a voir et « voir ». En 1995, Sara De Roo et Guy Dermul avaient déjà monté un texte de Geradjan Rijnders. « Nous avons souvent travaillé dans les années 1990 avec la compagnie Dito'Dito à laquelle appartient Guy Dermul, explique Sara De Roo. Il y a eu notamment ce projet où chacun devait travailler sur une pièce d'un acte en invitant quelqu'un d'extérieur. Nous avions alors créé Pick-Up de Gerardjan Rijnders. Puis, après celui-ci, nous lui avions commandé une suite, qu'il a intitulé Cancer. Nous avons alors joué ces deux textes ensemble. J'apprécie beaucoup le côté elliptique, fragmentaire de son écriture. C'est pourquoi récemment j'ai de nouveau fait appel à lui pour qu'il nous écrive quelque chose. Ainsi est né Zien en Zien (titre original néerlandais de la pièce). C'est un texte pour deux acteurs mais, dès le départ, j'ai eu le sentiment que nous aurions besoin d'un troisième protagoniste pour se confronter à nous. » Ce dernier ne parle pas. C'est pourquoi Sara De Roo a fait appel à un musicien, qui intervient en tant qu'invité.
« Pour nous, c'est quelque chose de nouveau d'interagir sur scène avec quelqu'un qui ne parle pas, qui n'est même pas un comédien d'ailleurs. Comme les musiciens sont des gens très pris, nous en avons choisi quatre pour alterner. » Ce sont le violoniste alto Paul De Clerck, le pianiste Alain Franco, le saxophoniste Eric Morel et le guitariste - bien connu des fans de PJ Harvey - John Parish. « On a beaucoup répété pour ce spectacle, remarque Sara De Roo. Ce n'était pas évident d'explorer quelle sorte de relations s'instaurent sur scène quand on est un duo de comédiens confrontés à un instrumentiste. Comme ils sont quatre, cela fait quatre spectacles différents, parce que, forcément, il ne se passe pas la même chose. Mais l'idée fondamentale est la même. Chacun apporte son ton, sa saveur. La musique est en partie écrite et en partie improvisée. Il en est de même pour nous, l'interprétation est très ouverte. » Entre quatre'z'yeux, une histoire s'installe. Quelque chose a eu lieu. Mais ce n'est pas clair. On devine plus qu'on ne comprend. « À mon avis, ce n'est même pas nécessaire que le public comprenne. Car tout est très cryptique, très vague. Il y a eu quelque chose entre l'homme et la femme qui sont sur scène, mais cela reste ambigu. On n'est pas vraiment censé savoir de quoi il retourne. C'est ça que j'aime chez Gerardjan Rijnders. Ses phrases sont fragmentaires. Il ne dit pas tout, mais laisse des blancs au contraire. C'est le spectateur qui complète. Ce genre d'écriture me passionne, car cela laisse beaucoup de place pour jouer. »

Hugues Le Tanneur