théâtre

de la bastille

Théâtre de la Bastille

Etrange sur sa faim


danse

Une trame succincte
Wonderful World ne présente pas, à proprement parler, de trame narrative. Les acteurs évoluent selon une sorte de chorégraphie qui représente divers états émotionnels ou divers types de conflits sans que ces états ou ces conflits ne soient précisés par les mots. Le seul enjeu clair du texte nous est enseigné à fleur de pièce par les acteurs qui improvisent une réunion professionnelle tournant à l’engueulade pour savoir qui devait commander des fleurs. Cette engueulade très tendue se conclut par une vive altercation entre deux personnages. La pièce se conclut par cette même discussion à propos de ces fleurs mais cette fois dans la paix et le rire. Comme si rien n’avait changé d’un bout à l’autre. Pourtant de nombreux cris qui mènent à l’apaisement : l’image de la catharsis.
Un théâtre des corps
Si l’enjeu narratif est assez flou voire absent ; le jeu des corps introduisent une atmosphère de déréliction. Chaque personnage entre l’un après l’autre sur scène et court pour ainsi dire sur place dans une urgence maladive. Vient la première dispute improvisée. Puis chaque personnage à son tour va subir une « crise existentielle ». Pour recevoir l’attention des autres, l’un ira jusqu’à se mettre nu et se couvrir d’une fourrure et d’un masque d’âne ; un autre montera sur le dos de ses partenaires, les changeant en cheval ; un autre, bélier d’agressivité, leur foncera violemment dessus comme pour les étrangler avant de s’arrêter toujours au dernier moment. On observe ainsi une forte opposition entre le groupe et l’individu. L’absence de dialogue fait apparaître une impossible communication entre eux qui explique peut-être les « crises » que rencontre chacun. L’absence de dialogues écrits trouve ainsi son sens : la seule communication possible naît au travers d’improvisation chaotiques. Pourtant l’union est rendue nécessaire par leur présence permanente sur scène et par le fait qu’il fasse partie d’une même entreprise. Mais cette union est impossible ou alors se manifeste sauvagement : chaque « crise » est ponctuée par d’étranges tableaux formés par les personnages dans des positions incongrues : la tête renversée sur un fauteuil, la face collée au mur, la tête à l’envers sur un bureau… Ce circuit du chaos trouve son apogée triste dans un final apocalyptique.
Pourquoi ?
Ainsi -et c’est sa plus grande qualité- Wonderful World est une pièce vraiment étonnante. L’absence de dialogues écrit, l’absurde des tableaux physiques qui contraste avec la forte banalité des personnages tous vêtus de propres costumes et tous issus de différentes ethnies, nous plonge dans une sorte de monde d’animal humain pour qui seul langage est coup de tête. Autre chose étonnante : quoiqu’on ne comprenne jamais vraiment ce qui se passe sur scène et qu’on déplore l’absence de fil conducteur, le spectacle ne nous ennuie jamais et reste même assez captivant. Cependant, on sort du théâtre un petit peu vide avec un goût d’imposture sur les lèvres. A quoi bon toutes ces agitations stériles ? Qu’est-ce que cela nous enseigne, à défaut de nous faire vibrer ? Peut-être cela notre Wonderful World.