théâtre

de la bastille

Théâtre de la Bastille

Notre corps utopique

Notre Corps utopique


07 > 22 JANV

Avec Sabrina Baldassarra, Stéphanie Farison, Emmanuelle Lafon, Sara Louis, Lucie Nicolas, Lucie Valon

théâtre

Dans Le Corps Utopique, conférence radiophonique donnée en 1966, Michel Foucault arpente le corps comme un territoire. Espace a priori limité, personnel, imposé à chacun mais espace que nous partageons en commun.
Comment faire avec ? Puis-je m'en débarrasser ? Le circonscrire ? Me l’approprier ? Le transformer ?

Traversé de fantasmes et outil de tous les possibles, le corps est à la fois sujet et objet des utopies de l'homme.
Animé(e)s de cette rage utopique, nous plongeons dans un voyage intérieur à la fois solitaire et collectif, inquiet et joyeux, peuplé de corps étrangers, de compagnons de route.
Le collectif F71

Calendrier des représentations Le 19 décembre à 14h30 
(représentation scolaire) et le 20 décembre à 14h30 (représentation scolaire) et 20h30 (tout public), création de Notre corps utopique,
Théâtre Eurydice, Plaisir (78)
avec le soutien de la Ferme de Bel Ebat, Guyancourt (78) Du 7 au 22 janvier à 19h30,
les Dimanche à 15h,
Théâtre de la Bastille, Paris (75)
(Relâche les 9, 13, 14 et 20 janvier)
 Les 24 et 25 janvier à 20h30, Collectif 12, Mantes la Jolie (78)

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Entretien avec le Collectif F71

ENTRETIEN AVEC LE COLLECTIF F71

Avec Sabrina Baldassarra, Stéphanie Farison, Emmanuelle Lafon, Sara Louis, Lucie Nicolas et Lucie Valon.

Propos recueillis par Nicolas Transy le 29/03/13.

 

Quelle est l'histoire de votre collectif et comment fonctionne-t-il ?

Collectif F71 : Certaines d'entre nous sont issues du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, d'autres du TNS, d'autres sont passées par Sciences-Po. À cinq, nous avons constitué le collectif F71 en 2004, puis Lucie Valon nous a rejointes en 2011. À l’origine, nous étions membres du Comité de lecture du Jeune Théâtre National. C'est dans ce contexte que Philippe Artières, historien et spécialiste de Michel Foucault, nous a soumis l'idée de travailler sur les prises de paroles publiques du philosophe. Peu d'entre nous connaissaient l'œuvre de Foucault. Nous avons d’abord lu des textes de l’année 1971, une année où Foucault se consacre au militantisme, descend dans la rue. Ils nous ont frappées par leur force, leur actualité. C’était une pensée en actes. Nous y avons trouvé une résonance avec ce que nous vivons aujourd’hui.

Quant à notre fonctionnement, il se réinvente continuellement. Nous travaillons collectivement à tous niveaux. Nous sommes à la fois comédiennes, dramaturges, metteuses en scène. Nous participons aussi à la production ou à la technique aux côtés de notre administratrice de production ou de nos régisseurs. C’est aussi un espace d’apprentissage. Il s’agit de porter à plusieurs l’initiative et la responsabilité de la création. L'expérience radicalement collective requiert une grande capacité d'adaptation, beaucoup de temps, des discussions intenses pour parvenir à une communauté de regards. Bien sûr l'expérience de la démocratie n'est jamais une chose acquise... il faut s'y tenir fermement et la réinterroger parfois. Qu'est-ce qu'un pouvoir collectif ?

Nous avons ainsi créé trois spectacles autonomes : Foucault 71, sur l'engagement militant ; La prison, qui interroge les dispositifs de surveillance et de discipline ; Qui suis-je maintenant ? sur l’amour de Foucault pour les archives. Ce triptyque, que nous pouvons jouer séparément, dans le désordre ou en intégrale, est à comprendre comme une trajectoire qui s'est dessinée au fur et à mesure.

 

Vous avez donc choisi de poursuivre votre route avec Michel Foucault. Au fond, qu'est-ce qui explique cet attachement profond ?

S.L. : Notre attachement pour Foucault se renouvelle sans cesse. Sa façon de déplacer les interrogations, de révéler « l'inévidence » de l'évidence, de la remettre en question, est un mode de pensée que nous faisons nôtre. Cet art absolu du questionnement sous-tend l'ensemble de notre démarche artistique.

S.F. : Par exemple, se reposer la question de la naissance de la prison qui n'a pas toujours existé. Qu’y avait-il avant ? Sommes-nous satisfaits de cette pénalité ? Si non, pourquoi la conserve-t-on sous cette forme ?, etc. L'œuvre de Foucault nous nourrit à mesure qu’on l'explore et façonne notre regroupement en collectif, qui existe maintenant depuis dix ans.

S.B. : Bien sûr nous avons envisagé de nous détacher de cette figure, mais ce n'est pas pour cette fois ! Nous sommes rattrapées par cette pensée vivifiante, joyeuse. Elle nous porte. Par ailleurs, nous avons chacune des projets hors du collectif, ce qui rend notre parcours d'artiste d'autant plus riche et libre de retourner à Foucault pour creuser sa pensée et la mesurer à l'aune du théâtre.

 

Êtes-vous devenues des artistes foucaldiennes ?

L.N. et E.L. : Oui et non.

L.N. : Oui, en ce sens que Foucault n'est pas dogmatique, il construit des outils pour que tous puissent s'en servir. L'intention n'est sûrement pas de véhiculer une morale. Le savoir doit être une arme ou une armure. À chacun de s’en saisir, au théâtre comme ailleurs. C’était un penseur hybride, puisant dans tous les champs des sciences humaines, sautant d'un champ culturel à l'autre, ouvert à tout ce qui peut contribuer à faire avancer une réflexion. C'est pourquoi sa pensée a donné lieu à tant d'applications chez les architectes, les danseurs, les militants, etc.

En tout cas, nos choix ne traduisent pas la volonté d'un geste révérencieux, ni biographique à l'égard du philosophe.

E.L. : Et non ! Parce que l’adjectif « foucaldien » spécialise. Foucault lui-même a lutté contre le système institutionnel qui enferme dans des cases. Nous ne sommes pas des spécialistes de Foucault et nous n'avons ni l'envie, ni la prétention, de le devenir. D'ailleurs, c'est une question qui ne se pose pas pour le public qui a vu nos spectacles. Ils parlent avant tout d’expérience théâtrale.

 

« Mon problème est toujours un problème contemporain ». Est-ce que les théories et problématiques de Foucault vous semblent toujours en prise avec la réalité d'aujourd'hui ?

S.B.
: Notre théâtre est toujours un théâtre contemporain ! On se pose toujours des questions au regard des problèmes contemporains. Foucault dit sa subjectivité, s'en « empare » pour questionner le présent... Nous suivons le même procédé.

E.L. : On nous demande souvent notre opinion, si nous partageons les thèses philosophiques et engagements politiques de Foucault. Être dans la posture de poser des questions suffit amplement. La force de l'interrogation, voilà notre point de vue. Par contre, nous engageons notre subjectivité à plein pour nourrir ces questionnements.

 

En quelques mots, qu'est-ce qui est en jeu – philosophiquement et théâtralement – dans Le Corps utopique ?

S.L. : Cette conférence radiophonique de 1966 nous accompagne depuis le début - comme une obsession collective - mais n'a jamais trouvé sa place. Nous avons compris qu'il fallait lui en donner une à part entière. C'est un texte dont la prose est simple, imagée, très rythmée, fonctionnant par associations d'idées. Le ton est à la fois ludique, intime et universel. Dans cette conférence, Foucault met au centre le corps. Il lui adjoint la notion d'utopie. Le corps utopique, c’est le lieu (« topie ») de tous les possibles. Il met en relation la non-coïncidence entre ce que le corps perçoit de lui-même (sa perception intérieure) et la manière dont il est perçu. L’homme est le lieu de cette tension, de ce déchirement entre le dedans et le dehors. Et cette lutte donne naissance à l'imaginaire qui trouve sa forme d'expression dans la littérature, les rites, etc. Quelles sont nos frontières corporelles ? Comment accepter notre image dans le miroir ? Peut-on vivre éternellement ? Ce texte met donc en jeu la lutte du corps avec lui-même, et les projections utopiques qui en sont nées.

E.L. : D'ailleurs, Foucault ne cache pas le fait que son propre corps l'obsède, un corps qui le répugne mais qu'il ne nie pas. Il ne cesse alors de se dédoubler, de jouer un double « je ». Il commence par se cacher derrière la voix de Proust, pour parler ensuite de son propre corps. Dire « je » très intimement pour que chacun se projette dans cette introspection. Cet effet d'écho, de miroir ainsi dilaté, se prête formidablement au théâtre.

 

Y a-t-il une matière théâtrale immédiate dans l’œuvre de Foucault ou faut-il tout transposer et créer sur le plateau ?

L.N. : Nous travaillons essentiellement sur des textes adressés, des entretiens, des conférences et également d’autres matériaux (photos, archives, etc.). Les livres de Foucault s'adaptent mal au théâtre, c’est pourquoi nous puisons nos sources ailleurs. Par contre, il est très bon orateur et se met en jeu dans ses interventions publiques. Il y a quelque chose de fascinant dans sa voix et ses intonations, c’est un formidable personnage. Mais c'est aussi un metteur en scène à sa façon : il agence des textes, des illustrations à l’appui de sa pensée. Enfin, les notions d'espace et de corps si fondamentales au théâtre sont omniprésentes dans sa réflexion.



Comment allez-vous construire collectivement « votre » corps utopique ?

L.V. : Nous avons commencé par rencontrer des philosophes, comédiens, marionnettistes, scénographes, architectes, peintres, afin d'être traversées par d'autres points de vue, d'autres visions du corps. Ce qui a toujours été capital dans nos pièces est le rapport scène-salle, la porosité avec le public. Plus précisément, c'est le rapport entre nos corps et ceux des spectateurs. Comment créer une communauté des corps ? Nous réservons des surprises sur le plateau, nos corps se démultiplieront « utopiquement » ou non...

E.L. : La choralité du jeu sera aussi une donnée importante. Ce texte favorise le dialogue, la multiplicité et l'alternance des voix. Foucault se dédouble au début de son texte : faut-il être à plusieurs pour faire avancer sa pensée ? Le Corps utopique résonne encore une fois avec notre corps collectif.



Vous dites que « votre » corps utopique sera troué de bulles de fiction...

S.F. : Oui, nous souhaitons introduire des bulles de fiction qui viendront se greffer à la colonne vertébrale du corps utopique et s'y frotter. Des textes qui apparaîtraient en parallèle, dans une ligne de contraste ouvrant la pensée et démultipliant le sens. Foucault lui-même, dans son texte, évoque de multiples références littéraires et artistiques.

Actuellement, nous sommes encore en pleine réflexion sur notre montage dramaturgique. Homère, Maupassant, Proust, Dostoïevski, pourraient être convoqués…

S.B. : ou pas !

 

« Après tout » le corps utopique n'est-il pas le corps du comédien par excellence ?

S.L. : Chacun, en son corps unique, a une multiplicité de corps : corps d'enfant, corps professionnel, corps fictionnel, etc. Les corps contraires peuvent coexister, c'est tout l'enjeu du Corps utopique de démontrer toute la virtualité du corps qui contient tous les corps, tous les possibles. Nos corps de comédiennes sont pétris de ce paradoxe. Comment représenter l'irreprésentable ? C’est un des défis du théâtre. Qui mieux que le corps du danseur ou comédien, en transformation perpétuelle, peut faire exister cela ?...

Réalisation +

Avec Sabrina Baldassarra, Stéphanie Farison, Emmanuelle Lafon, Sara Louis, Lucie Nicolas et Lucie Valon Auteur  Le collectif F71 d’après Michel Foucault Metteur en scène Le collectif F71 (Sabrina Baldassarra, Stéphanie Farison, Emmanuelle Lafon, Sara Louis, Lucie Nicolas, Lucie Valon) Scénographie Jane Joyet Création lumière Léandre Garcia-Lamolla Collaboration dramaturgique Nicolas Kerszenbaum Collaboration chorégraphique Stéphane Fratti Collaboration musicale Jean-Christophe Marti

Production déléguée La Concordance des temps – collectif F71 Co-production Parc de la Villette –WIP/Paris et La Ferme de Bel Ebat - Théâtre de Guyancourt Avec le soutien du Théâtre Eurydice à Plaisir, La Fondation de France, Collectif 12 à Mantes-la-Jolie, Théâtre-Studio d'Alfortville, Théâtre de la Bastille, Le Carré - Scène nationale de Château-Gontier, MAC/VAL et de la Maison des métallos Avec l’aide à la production de la DRAC Île de France et d’ARCADI – Établissement culturel d’Île de France Avec l’aide à la création théâtrale professionnelle du Conseil Général des Yvelines Avec le soutien de la SPEDIDAM La Concordance des temps – collectif F71 est conventionnée par la Région Île de France au titre de la Permanence artistique et culturelle
Contacts de la compagnie administration/ communication  Mélanie Autier 06 22 13 06 82 production.collectiff71@gmail.com artistique Lucie Nicolas 06 81 74 82 69 silnyva@club-internet.fr