théâtre

de la bastille

Théâtre de la Bastille

main

sx.rx.Rx au lieu de garder silence, j'ai voixé.


13 mai > 30 mai

Le jeudi 15 mai : rencontre publique à l'issue de la représentation avec Lise Maurer (psychanaliste, spécialiste des écrits bruts).

les 13, 14, 15, 22, 23, 24, 27, 28, 29 et 30 mai 2008 à 21 h

sx.rx.Rx au lieu de garder silence, j'ai voixé
texte de Samuel Daiber, spectacle de Patricia Allio

Avec Didier Galas. Plasticien-vidéaste Guillaume Robert. Scénographie Béatrice Houplain. Musique live Core Dump. Lumière Joël L'hopitalier. Animation Flash Juliette Dieudonné.

Le jeudi 15 mai : rencontre publique à lissue de la représentation avec Lise Maurer (psychanaliste, spécialiste des écrit bruts)et l'équipe artistique.

De l'auteur des textes du spectacle sx. rx.Rx au lieu de garder silence, j'ai voixé , Samuel Daiber, peu de choses sont connues. Né en 1901 en Suisse, il aurait été potier et aurait manifesté dès l'adolescence des troubles du comportement. Hospitalisé à plusieurs reprises dans des établissements psychiatriques de la Suisse Romande, il est définitivement interné en 1948.
On ne connaît pas l'année de sa mort. Les lettres qui constituent le spectacle sont une partie de ses écrits asilaires adressés soit au médecin directeur de l'établissement, soit à des parents. Qualifiés « d'écrits bruts », de part notamment leur syntaxe et leurs rythmes inconnus, comme vierges d'influences culturelles, ils sont, à la vue des manuscrits, d'une lecture difficile, rendue « miraculeusement » limpide par le travail scénique accompli dans ce spectacle. Patricia Allio, qui signe ici sa première mise en scène, réussit à nous rendre complice d'un univers littéraire hors du commun.
En 1999, la scène n'est pourtant pas un lieu familier pour cette jeune chercheuse en philosophie plongée dans l'étude de La Divine Comédie de Dante quand elle découvre les écrits de Samuel Daiber sur lesquels se fonde le spectacle. Mais la rencontre concomitante de ces textes avec celle de l'oeuvre de Valère Novarina lui révèle les possibilités du théâtre comme « un acte de pensée de la langue par la scène ». Au sentiment d'étroitesse ressenti par Patricia Allio dans le monde universitaire et dans le discours rationnel de la philosophie répond la parole vocifératrice et libératrice d'un Samuel Daiber à laquelle l'oralité théâtrale peut, selon elle, rendre justice.
« Si tu te sens en asphyxie dans le monde et que tu découvres que la parole, l'écriture et la langue te permettent de réanimer un lien au monde, tu te dis alors, comme ce serait radical de la porter en scène, de l'entendre. Je pense, explique-t-elle, que ces paroles plus que d'autres sont faites pour la scène, parce que c'est l'histoire d'une bataille, et d'une bataille qui se mène avec la langue ».
Comme chargée d'une promesse à tenir, Patricia Allio, empruntant les habits du metteur en scène, sait faire entendre ce que la folie contient en elle de puissance créatrice. Sa mise en scène est une réponse à ces mots de Samuel Daiber : « Je ne parviens plusement à m'exprimer correctement, il faut tâcher de lire comme moi. Je ne parviens pointement à m'exprimer. C'est ce muetisme la pire des difficultés, il faut Vous mettre à ma place et lire ce que je ne parviens plusement à écrire. C'est si importancique. »
Le spectacle fait entendre à la première personne, « moi Daiber Samuel Ernest. juif du canton de Neuchâtel », les mots de celui qui écrit son refus de l'enfermement : « Je m'oppose à ce que l'on me conduise que l'on m'enfermeture de nouveau ». Tout en rendant progressivement un corps à celui qui se décrit comme « Petit Paï Petit Garçon. Petit Jeune Gens. Abstientique. Chétif. Timide de corporaléité », le spectacle parvient à rendre palpable l'acte de libération accompli grâce au « Salut» de la langue, « c'est-à-dire, son pouvoir de reviviscence, de re-nomination, cette puissance du surgissement. Au lieu de renoncer, de se dire qu'il y a des choses qui se disent et d'autres qui ne peuvent pas se dire », précise Patricia Allio, il s'agit alors « de suivre la vertigineuse aventure d'une langue qui se développe sans entrave, sans surveillance académique », selon les mots de Michel Thévoz sur les écrits de Samuel Daiber. Telle est l'aventure jubilatoire de sx.rx.Rx au lieu de garder silence, j'ai voixé portée sur scène par un seul comédien, Didier Galas. Si la question de la folie et de la normalité est au coeur de l'écriture, comme celle du dicible et de l'indicible, ou celle de l'enfermement et de la liberté, le spectacle développe un travail perceptuel qui nous plonge dans le vertige infini de cette écriture. « Très rapidement, je me suis dit qu'il faudrait donner à ressentir le labyrinthe, précise Patricia Allio, car plus tu étudies cette langue, plus tu comprends et plus tu te perds ». Proche d'une sensation de déroute hypnotique, la scénographie prolonge et multiplie, par images projetées, la présence scénique du comédien apparaissant à la fois un et multiple. Perçu alors autant comme signe que comme corps, il figure habilement cette langue qui n'en finit pas de déjouer les logiques langagières pour offrir des significations nouvelles : « Il me faut un logement officiel, ofitiel pour raspirer, rasprirer ; raspirler, rasprirler en Réalisateur, Réalistateur, véracitique, simple, Wéraciu'que double ».
Cette écriture, qui avance en roulant sur elle-même comme si elle se marchait dessus, envahit l'espace tout entier du plateau et sort de scène avec nous, libérée.