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Théâtre de la Bastille

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La Pudeur des icebergs.


23 fev > 01 mar

Pièce pour six danseurs, cinq hommes et une femme, La Pudeur des icebergs est une oeuvre déroutante.

La pudeur des iceberg

Chorégraphie Daniel Léveillé.

Conseillère à la dramaturgie et répétitrice Marie-Andrée Gougeon

Avec Frédéric Boivin, Mathieu Campeau, Justin Gionet, Stéphane Gladyszewski, Ivana Milicevic, Emmanuel Proulx.

Lumière Marc Parent. Direction technique Jean Jauvin. Traitement sonore David Kilburn, Laurent Masiè. Photographies Rolline Laporte, Jacques Grenier, Marian Alonzo

Pièce pour six danseurs, cinq hommes et une femme, La Pudeur des icebergs est la dernière composition de Daniel Léveillé. La pièce est une brillante démonstration de l'art du chorégraphe québécois. Créé en 2004, ce sextuor est considéré par l'auteur lui-même comme la somme de son travail artistique. La force d'interprétation des danseurs associée à une grande maîtrise de l'espace font de cette pièce une oeuvre puissante et fascinante.

Une alliance originale entre répétition abstraite et théâtralité
Chorégraphe natif de Sainte-Rosalie au Québec, Daniel Léveillé débute la danse dans les années soixante-dix en suivant une formation de danse expressive, mêlant expression corporelle et ballet jazz. Des études en architecture sont vite écourtées. D'emblée, le danseur est chorégraphe. �Je savais comment faire ça. J'avais fait du dessin et il y a un rapport avec la chorégraphie qui consiste à tracer dans l'espace avec des corps, qui sont l'équivalent du crayon avec chacun une couleur et une texture particulières�. Contemporain d'Edouard Lock, de Ginette Laurin et de Louise Lecavalier, invités en France depuis quelques années déjà, il participe avec eux au sein du Groupe Nouvelle Aire, connu à l'époque sous l'acronyme GNA, à l'essor de la danse contemporaine dans un pays aux moeurs pétries de religion. �Un des avantages que nous avons eu, explique Daniel Léveillé, c'est que nous n'avions pas à nous battre contre ce qui aurait pu être là, car il n'y avait rien. Cela nous a procuré un sentiment de liberté. Il y avait la velléité de faire un spectacle avant même d'avoir la prétention de faire quelque chose d'artistique. Ce qui explique l'utilisation par beaucoup d'entre nous de la danse-théâtre, avec une sorte d'expressivité très forte, parfois même avec un scénario très compréhensible pour le spectateur�. Alors que Montréal demeure un �désert culturel�, étonnamment fort éloigné des influences américaines, Daniel Léveillé tente de nouvelles recherches, en s'accordant de longs temps en studio. La répétition à l'infini d'une seule et même chose succède à l'expressionnisme �criard� et explosif des premières années. La répétition offre alors, selon le chorégraphe, la possibilité pour le danseur d'explorer son interprétation �sans se soucier d'avoir à rendre une séquence chorégraphique très complexe�.
Dans La Pudeur des icebergs, l'alliance originale entre répétition abstraite et théâtralité semble souder de manière souterraine l'ensemble de la pièce. Si la théâtralité n'est pas évacuée, elle ne s'impose pas au premier plan. Les mouvements en tant que tels n'offrent en effet aucune piste de lecture précise, pas de gestes proches de notre quotidien, pas de mots pour d'éventuels appuis narratifs. Si d'histoire il s'agit, il faut plutôt compter sur les déplacements dans l'espace pour tenter de la suivre. Sur scène, le sextuor prend des allures de trio. Le nombre �excessif� de présences permet de multiples combinaisons à la mesure des complexités de ce modèle de vie sociale atypique. �Dans Amour Acide et Noix, la pièce précédente, explique Daniel Léveillé, j'avais travaillé le solo et le duo, comme étant deux formes très primaires de relations humaines : l'individu et le couple. Je souhaitais travailler le chiffre trois. Dans la vie, c'est pas simple. Pour vous dire, ça m'a pris six mois en répétition pour savoir à qui je m'adressais quand j'étais avec trois danseurs�. Les interprètes s'agrègent de multiples façons dans cette tentative envoûtante, énergique et essoufflée, de vie à trois, �de triangle idéal où personne ne serait exclu.� En action constante dans un mouvement discontinu, ils sont en permanence en état de préparation du geste qui va suivre. Exécutés avec une rapidité extrême, les mouvements ne sont pas des lignes continues, mais plutôt des détentes, sorte de segments qui donnent toute leur intensité à chacune des différentes pages qui constituent la pièce. Vêtus de leur peau pour seul costume, cadrés par l'espace réduit de la scène, calés dans la musique de Chopin, les danseurs semblent appartenir à une tribu inconnue - idéale ? Celle qui place les gestes par transparence juste au dessus des mots.