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Théâtre de la Bastille

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My dinner with André.


04 nov > 18 dec

Truculence, humour pince-sans-rire, ce bon vivant (Damiaan De Schrijver), n'aime rien tant que démonter les rouages de la machine théâtrale.

Ven 4, sam 5, dim 6, mar 8, mer 9, ven 11, sam 12, mar 15, mer 16, jeu 17 (nov), sam 17 et dim 18 (dec).Spectacle à 20h dim à 17h.


My Dinner with André

De wallace Shawn et André Gregory d'après le scénario du film homonyme de Louis Malle, adapté par Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede. Un spectacle de Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede. Traduction Martine Bom. Costumes Inge Büscher. Coproduction Tg STAN et de Koe. Coproducteurs de la version française Festival d'Automne à Paris et Théâtre de la Bastille.

Une tête à la Orson Welles, barbe et cigare compris, Damiaan De Schrijver est taillé pour jouer Falstaff. Truculence, humour pince-sans-rire, ce bon vivant n'aime rien tant que démonter les rouages de la machine théâtrale. C'était flagrant avec du serment de l'écrivain du roi et de diderot, présenté au Théâtre de la Bastille en 2003, où le Paradoxe sur le comédien de Diderot devenait le prétexte à une furieuse déconstruction de l'illusion au théâtre. Avec méthode et obstination, trois comédiens survoltés s'employaient à démystifier l'art de l'acteur, montrant comment l'espace scénique n'est fait que de faux-semblants dans un spectacle désopilant qui tenait autant du théâtre que de la performance. Pour l'occasion Damiaan De Schrijver avait fait appel à son professeur Matthias de Koning et à son ami Peter Van den Eede.
Avec ce dernier, il avait déjà créé en 1998 à Anvers My Dinner with André, d'après le film de Louis Malle. «Sara m'avait parlé de ce film en insistant beaucoup. Peter avait déjà l'idée de l'adapter pour le théâtre.. Très vite, nous avons décidé tous les deux d'en faire un spectacle qui serait produit à la fois par Stan et par De Koe, la compagnie de Peter.», dit Damiaan De Schrijver. Construit autour de la rencontre entre deux personnages, un auteur dramatique sans le sou et un metteur en scène à succès, le scénario avait tout pour séduire notre homme, lequel a aussitôt vu là un bon moyen de parler du théâtre et de ses enjeux.
À sa manière, Damiaan De Schrijver est un mécréant. Il nourrit des doutes quant à l'incarnation. À qui voudrait-on faire croire que ce type en train de gesticuler et de faire le malin à quelques mètres de vous est autre chose qu'un comédien ? « Êtes-vous Cinna ? Avez-vous jamais été Cléopâtre, Mérope, Agrippine ? Que vous importent ces gens-là ? La Cléopâtre, la Mérope, l'Agrippine, le Cinna du théâtre sont-ils même des personnages historiques ? Non. Ce sont les fantômes imaginaires de la poésie ; je dis trop : ce sont des spectres de la façon particulière de tel ou tel poète », remarquait Diderot. Damiaan De Schrijver pousse le paradoxe un peu plus loin. « Suis-je obligé de croire à mon personnage ? Ce n'est pas parce que l'on interprète un personnage qu'il n'y a pas de distance. Parfois on montre le mécanisme, parfois non. » Disons que c'est une sorte de miroitement, une oscillation permanente entre la réalité et l'illusion.
André Gregory et Wallace Shawn, les deux protagonistes de My Dinner with André, se prêtent assez bien à cette opération. D'abord, parce que, dans le film, ils incarnent leurs propres personnages. L'ambiguïté est donc revendiquée, même si l‘on se trouve dans le registre de la fiction. Auteur désargenté en quête d'une commande potentielle, Wallace Shawn attend beaucoup de ce repas. Patiemment, il écoute le metteur en scène André Gregory, qu'il n'a pas vu depuis des années, lui raconter sa quête spirituelle à travers notamment l'enseignement de Jerzy Grotowski ainsi que de ses voyages au Tibet et au Sahara. « Ce type qui a beaucoup de succès lui raconte des histoires invraisemblables, comment il parle avec les arbres ou avec les légumes, des trucs superstitieux, tout un baratin new age », s'amuse Damiaan De Schrijver.
Le spectacle respecte scrupuleusement l'unité de temps, qui a la durée d'un repas plantureux cuisiné sur scène selon une recette différente chaque soir. Les différents actes sont rythmés par l'arrivée des plats. « On a l'occasion de faire quelque chose de vrai et en même temps, c'est faux, car on est au théâtre, pas dans un restaurant chic, même si ça sent la cuisine. L'intérêt de ce texte, c'est qu'il nous donne la possibilité de parler de nous-mêmes. C'est comme si on improvisait pendant tout le spectacle. On ne s'en prive pas d'ailleurs. On s'échappe, on parle du théâtre, on exhibe le texte... En français, cela va être plus difficile car ce n'est pas notre langue naturelle. Un soir, à Amsterdam, où l'on a créé le spectacle, le vrai Wallace Shawn était dans la salle. Nous avons conversé ensemble après la représentation et c'est là qu'il nous a dit que dans le film de Louis Malle, ils parlent aussi de leurs propres expériences. Beaucoup de choses qu'ils racontent leurs sont vraiment arrivées. Simplement, ils ont mélangé leurs aventures respectives, histoire de brouiller les pistes. »

Hugues Le Tanneur