théâtre

de la bastille

Théâtre de la Bastille

main

Eva Peron.


Lundi 20 fev et Mardi 21 mar

"Eva peron" jusqu'au 21 mars. "Loretta Strong" de Marcial di Fonzo Bo à la Ferme du Buisson samedi 13 et dimanche 14 mai.

20 février au 21 mars
à 19h30 , dimanche à 15h30, relâche les 6 13 16 et 17 mars [spectacle en espagnol surtitré en français].

"Loretta Strong" de Marcial di Fonzo Bo à la Ferme du Buisson
samedi 13 et dimanche 14 mai en avant-première de la création au Festival
d'Avignon.



Eva Perón
Spectacle en espagnol surtitré en français.

Texte de Copi. Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo avec la collaboration de Bruno Geslin. Avec Marcial Di Fonzo Bo, Pierre Maillet, Jean-Jacques Le Vessier, Élise Vigier, Rodolfo de Souza. Lumière Maryse Gautier. Chorégraphie Francisca Sazié. Costumes Laure Mathéo. Son Manu Leonard. Musique extraits de Hugues Lebars, Chostakovitch, Grace Chang, Astor Piazzola, Peres Prado. Régie Générale Benoît Becret. Les pièces de Copi sont représentées par l'agence Drama-Suzanne Sarquier.

« Tu crois que je devrais prendre avec moi la petite valise de diamants ? » Cette question d'Eva Perón à sa mère n'est pas si dérisoire. Elle possède même de profondes résonances métaphysiques. Copi avait ce génie de traiter de sujets graves sans en avoir l'air. Marcial Di Fonzo Bo apprécie particulièrement cet humour désarmant et fou de son compatriote argentin. Avec Copi, un portrait (1998), il a remis sur les rails un auteur que beaucoup jugeaient définitivement lié aux années 1970, et donc démodé. L'œuvre de Copi est restée longtemps non traduite dans son pays d'origine - une forme comme une autre de censure.
Aussi, quand en novembre 2004 à Buenos Aires, Marcial Di Fonzo Bo présente sa mise en scène d'Eva Perón, on peut craindre le pire. « C'est à cause de cette pièce que Copi est voué au silence en Argentine, raconte-t-il. On avait pris toutes les précautions, prévu des agents de sécurité, etc. En fait, ça s'est très bien passé. Présenter Eva Perón à Buenos Aires, c'est secouer l'icône dans son contexte. Là-bas, le personnage d'Eva Perón fait partie de l'imaginaire collectif. Les gens sont très touchés, par exemple, quand Copi lui fait dire : « Je vais crever ». Le fait qu'elle lutte avec la mort, le côté trivial, sa façon de parler grossièrement. Ils connaissent bien toute cette histoire qu'il y a eu avec le corps d'Eva Perón que l'on a embaumé, puis fait disparaître, puis mutilé. Cela n'a pas lieu dans la pièce, mais on y retrouve cette idée du cadavre comme objet. Il faut bien un corps pour pouvoir le balancer dans l'histoire. On retrouve ça dans beaucoup de pièces de Copi. » Le cadavre, c'est celui de l'infirmière qui, une fois parée des vêtements et bijoux d'Eva Perón, sera assassinée froidement. Comme si la vraie Eva pouvait échapper à la mort en livrant ce corps à peine refroidi à l'Histoire. La pièce baigne dans une atmosphère surmenée, à la fois sombre, hystérique et désopilante. Eva survit, blindée à la morphine, harcelée par sa mère qui lui réclame le numéro de son coffre-fort en Suisse. Peron, l'époux, est pratiquement absent ; il a la migraine.
Alors Eva tente sa chance pour quitter la scène en douce. C'est comme si elle était déjà entrée dans la légende, se survivant à elle-même. À la radio, il n'y en a que pour elle, comme le lui explique sa mère : « Ils parlent de toi tout le temps. Ils passent ta vie en feuilleton et puis ils disent que tu es en train de mourir. Il y a plein de gens qui attendent de l'autre côté de la porte ». Ça pousse et ça tire de partout. Il n'y a pas d'issue ; pas d'autre en tout cas que de se tirer en douce d'une vie bâtie sur le mensonge, l'intox, la démagogie du héros providentiel, sinon par encore plus de fiction. Comme si on pouvait se glisser discrètement en coulisses après un dernier tour d'honneur. Car finalement, tout ça sentait le frelaté dès le début.
Pour Copi, le cancer, c'était déjà toutes ces paillettes d'un pouvoir prêt aux pires excès pour se donner en spectacle. "Le cancer c'est ta faute. Ou la faute à Perôn, la faute a vous deux, mais pas la mienne", lâche Eva à Ibiza, son âme damnée. Il y a un prix à payer pour toutes ces folies qu'elle assume seule, drapée dans son rôle d'héroïne de roman-photo. Et elle ajoute, dépitée : "Même ma mort, même la mise en scène de ma mort, j'ai dû la faire toute seule. Seule. Quand j'allais dans les bidonvilles et que je distribuais des paquets de billets de banque et que j'y laissais tout, mes bijoux et ma voiture et même ma robe et je rentrais comme une folle toute nue en taxi montrant le cul par la fenêtre, vous m'avez laissé faire. Comme si j'étais déjà morte, comme si je
n'étais plus qu'un souvenir d'une morte »
.
C'est à Santiago du Chili, en 2001, que Marcial Di Fonzo Bo a créé Eva Perón avec déjà l'idée de jouer la pièce en Argentine. Le spectacle a beaucoup tourné, avec des distributions différentes. Curieusement, il n'était encore jamais arrivé jusqu'à Paris. Marcial Di Fonzo Bo est le premier étonné de ce succès planétaire, mais ravi, puisque depuis il a développé beaucoup d'autres projets liés à Copi, dont une mise en scène explosive de La Tour de la Défense présentée la saison passée. Comédien de formation - il a joué notamment avec Claude Régy, Matthias Langhoff, Rodrigo Garcia -, membre de la compagnie Les Lucioles, c'est grâce à Copi qu'il s'est lancé dans la mise en scène. « Quand on a créé Les Lucioles à l'issue de nos trois ans à l'école du Théâtre national de Bretagne à Rennes, notre idée, c'était d'avoir un outil pour pouvoir réaliser nos propres projets. On ne voulait pas se retrouver dans la position de l'acteur qui attend qu'on lui propose quelque chose et qui, de ce fait, ne choisit pas. En ce sens, pour moi, le travail de metteur en scène est un prolongement de mon travail de comédien. On ne me propose pas de jouer Copi, donc je choisis de le faire moi-même. Quant au nom de la compagnie, on ne l'a pas trouvé par hasard. Il vient des Écrits corsaires de Pasolini. Dans ce livre, il y a un texte qui s'intitule L'Article des Lucioles où Pasolini s'émeut de la disparition à venir des lucioles, liée à la pollution et aux dérèglements climatiques. Il fait un lien entre cette disparition et la multiplication des multinationales. Une vision troublante, qui nous a beaucoup touchés. »