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Théâtre de la Bastille

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Emmène-moi au bout du monde.


16 jan > 18 fev

Reprise en Automne de ce spectacle au Théâtre de la Bastille.

OUVERT AUX ACTEURS
stage dirigé par Jean-Michel Rabeux.


du 10 au 21 avril 2006 (horaires à préciser) Prix du stage : 200 euros


Pour tout renseignement, contacter Danièle Tchdry-Montillon par e.mail : dtchdry@wanadoo.fr
Vous pouvez également lui envoyer un dossier de candidature (lettre de motivation + CV + Photo) au Théâtre de la Bastille 76, rue de la Roquette 75011 Paris.

Jean-Michel Rabeux, régulièrement invité au Théâtre de la Bastille, s'est affirmé comme l'un des metteurs en scène français les plus original, travaillant autant les textes du répertoire (Racine, Pirandello, Copi) que des adaptations ou des textes dont il est l'auteur, mais aussi des mises en scène « hors-texte », telles que les Enfers Carnaval. Il est ainsi reconnu aujourd'hui comme un directeur d'acteurs remarquable, imprimant son univers à tous ses spectacles, tout en laissant à chaque comédien une liberté et une exigence de recherche singulière.
C'est pourquoi je lui ai demandé d'animer un stage au Théâtre de la Bastille. Ce stage n'étant pas lié à l'AFDAS, il est accessible aux personnes qui ne sont pas ou plus intermittents du spectacle.
Jean-Marie Hordé.



Corps d'acteurs et corps de textes !

Je travaille souvent à partir de textes non destinés au théâtre. Pour exemple, le Cendrars que nous donnons au Théâtre de la Bastille cette saison.
J'aime beaucoup cette mise debout d'un texte. Elle oblige à chaque fois à inventer de toute pièce une théâtralité qui non seulement fasse entendre le texte, c'est la moindre des choses, mais qui en plus lui devienne comme indispensable, consubstantielle, l'ouvre à l'imaginaire des spectateurs.
Dans cet exercice, le travail de l'acteur n'est pas radicalement différent de ce qu'il doit être toujours : inventif et modeste. Mais il doit, ici, l'être absolument sous peine d'apparaître « en trop » ou en « pas assez ».
L'acteur doit aller voir ailleurs en lui-même pour y trouver enfoui, ce qui le relie aux secrets du texte. Il ne s'agit pas d'apporter ses recettes toutes prêtes, ses trucs, facilités ou autres efficacités. Il s'agit d'apporter sa connaissance de soi, acteur, et avec cette connaissance, chercher.
On ne part pas de la psychologie des personnages puisque de psychologie, il n'y en a pas, et de personnages non plus. On part du texte-matière et du corps d'acteur-matière. Les deux chauffés par l'imaginaire à vif. C'est difficile. Comme d'habitude. C'est l'exercice auquel je vous convie à partir des textes sur l'art de Jean Genet : Le Funambule, L'Atelier d'Alberto Giacometti, Le Secret de Rembrandt, et Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes.
Jean-Michel Rabeux



Emmène-moi au bout du monde !

16 janvier au 18 février
à 19 h 30, dimanche à 15 h 30, relâche le lundi et le jeudi 19 janvier.



Adaptation des quatre premiers chapitres de Emmène moi au bout du monde. Mise en scène de Jean-Michel Rabeux. Avec : Claude Degliame. Scénographie et costumes Pierre-André Weitz. Lumière Jean Claude Fonkenel. Assistanat à la mise en scène Sophie Rousseau

Un œil au beurre noir bien marqué. Du genre indélébile, pas facile à dissimuler. Plus toute jeune, Thérèse Églantine découvre cet ornement imprévu en se regardant dans la vitrine d'une boucherie « pleine de têtes de veaux grotesques et hilares ». Et, déjà, c'est comme si elle se trouvait sur scène, face au public. Car Thérèse Églantine est comédienne, et une fameuse, même. Aussitôt, elle se remémore dans quelle extase, quelques heures plus tôt, elle a pris en pleine poire ce gnon qui la remplit d'aise, la fait frissonner de plaisir de haut en bas rien que d'y penser. « Sous presse » sous un légionnaire, elle a connu le bonheur comme ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps. « Emmène-moi au bout du monde !... » elle a beuglé, tandis que l'autre, tout à sa besogne, ne faisait pas de détails.
Méchant, drôle, truculent, Emmène-moi au bout du monde !... n'est pas seulement un des romans les plus attachants de Blaise Cendrars, c'est aussi un livre qui parle merveilleusement du théâtre. Et cela pourrait surprendre, de la part de l'auteur de Bourlinguer, cet intérêt pour le théâtre. Mais comme l'explique Jean-Michel Rabeux : « Blaise Cendrars a vécu pratiquement toute sa vie avec une comédienne. Je crois d'ailleurs qu'il s'agissait d'un rapport platonique. Ce qui n'empêche pas que Cendras était très amoureux ».
Au cœur du livre, il y a donc une comédienne, Thérèse Églantine. Plus toute jeune, on l'a déjà dit. Et dont le modèle serait Marguerite Moreno. « Le présent ouvrage est un roman à clefs », précise l'auteur, en exergue. Mais il place aussi la verve de cette prose si vive et gouailleuse sous le patronage du saxophoniste Coleman Hawkins. Ce qui a son importance. À la lecture du roman, on comprend l'enthousiasme de Jean-Michel Rabeux.
La saison passée, il se penchait sur Eschyle avec Le Sang des Atrides. Cette fois, ce n'est plus la tragédie, mais la tragédienne qui l'inspire. La tragédienne quand elle rencontre le comique. « La plus grande tragédienne de tous les temps s'inspire aujourd'hui du plus haut comique et se moque d'elle-même », écrit J.-B. Kramer, critique de théâtre et le premier à avoir baptisé Thérèse du nom d'Églantine. On nage en pleine fantaisie. Une loufoquerie charmante et pleine de torgnoles.
Pour interpréter seule sur scène le texte de Cendrars, il fallait une actrice de la trempe de Claude Degliame, dont l'humour et la distanciation conviennent parfaitement à cette « belle histoire ». Alors, devant son public de têtes de veaux ébouillantées, toute étourdie encore de ses agapes nocturnes, Thérèse Églantine a une illumination : « Ça y est, je tiens mon costume et j'envoie bouler couturiers, modistes et maquilleurs... ».
Cet œil poché, c'est un coup de génie. Elle le garde. Elle tient son personnage. Ou quand la folie de la vie finit par contribuer à la construction de son rôle. Le comédien ou la comédienne fait flèche de tout bois. Mais ici, c'est particulièrement cocasse. « Dans La Folle de Chaillot, Marguerite Moreno avait un coquart dessiné, remarque Jean-Michel Rabeux. Mais les clefs n'épuisent pas, heureusement, l'intérêt du livre. Même si on sait que le metteur en scène est inspiré de Louis Jouvet. L'air de rien, Cendrars dit des choses très profondes sur le théâtre. Sous couvert d'un ton léger, ironique, c'est une vraie réflexion, et assez inattendue de sa part. Il y a cette vision de l'acteur comme monstre qui serait à l'origine de la tragédie. Le grotesque et le terrible ne sont pas opposés ; au contraire, ils sont comme fondus l'un dans l'autre. Cela me passionne quand on réussit à produire le rire dans l'effroi ou à faire pleurer dans le ridicule. » Et Cendras d'insister : « Le théâtre est un monde, un monde « énorme et délicat » dont les frontières ne sont pas fixées entre le réel et l'illusion, si bien que l'on ne sait jamais qui l'emporte du mensonge ou de la vérité. Pour ceux qui font partie de ce monde instable, sa fluidité déborde jusque dans la vie courante (...) ». Alors, on ne sait plus très bien où ça commence et où ça finit, cette histoire.
C'est cela le monstrueux, cette confusion, quand il est devenu impossible de séparer les contraires. « Thérèse Églantine est belle comme un mythe, dit Jean-Michel Rabeux. Un monstre sacré, fascinant, révélateur. Ça m'a bouleversé, ce livre. On y trouve la violence, la cruauté qui existent dans les rapports de travail au théâtre. En même temps, c'est drôle, et politiquement incorrect. J'ai pensé que cela pourrait faire un somptueux mélange dans la bouche d'une actrice. »