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Théâtre de la Bastille

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Délire défait.


31 mai > 06 juin

Délire défait se construit autour d'une image, celle de la décomposition picturale d'un être cruellement mis à nu.

31 mai au 6 juin
à 21 h, relâche le dimanche

Délire défait
Chorégraphie, co-dramaturgie et interprétation de Benoît Lachambre.

Conception visuelle, co-dramaturgie et costume : Nadia Lauro.
Composition/intervention sonore : Laurent Maslé.
Conception des éclairages, direction technique et vidéo : Jean Jauvin.
Répétitrice : Marie-Andrée Gougeon.
Portrait peint : Jennifer Goddard.
Directeur général par intérim : André Malacket.
Administratrice : Diagramme gestion culturelle.
Réalisation : Théâtre de la Bastille.
Coproduction du Musée d'art contemporain des arts d'Ottawa, Délire défait a aussi recu le support financier du TanzWerkstatt Berlin.

Benoît Lachambre est un très grand artiste. C'est une chance rare de pouvoir assister en 2006 au spectacle Délire Défait, un solo créé en février 1999 au Musée d'Art contemporain de Montréal. C'est une pièce qui place Benoît Lachambre parmi les plus riches penseurs du mouvement aujourd'hui. Chorégraphié et interprété par lui-même, ce manifeste autobiographique est d'une intense humanité. Dans un langage polyphonique fertile, des gestes retrouvés à la parole ressuscitée, il dessine par éclats la reconstruction d'un corps qui aboutit à la renaissance d'un homme.
Benoît Lachambre danse depuis trente ans. En 1996, il fonde la compagnie par b.l.eux qui compte désormais une dizaine de pièces dont Lugare Comunes, pièce de groupe créée en mars 2006. Interprète d'exception, il est sollicité par de nombreux créateurs, et participe ainsi, dans un aller-retour entre Montréal et l'Europe, à une grande diversité de projets avec notamment Lynda Gaudreau, Marie Chouinard, Catherine Contour, Boris Charmatz, Felix Ruckert, Laurent Goldring, et plus récemment en duo avec Meg Stuart pour la pièce Forgeries, Love and Other Matters. Artiste exigeant, il approfondit son langage scénique d'une recherche kinesthésique qu'il poursuit sans relâche par le biais d'ateliers pédagogiques qu'il dirige.

Délire Défait est une oeuvre clé pour approcher et comprendre la recherche du chorégraphe québécois aujourd'hui âgé de quarante-cinq ans. Elle remporte d'ailleurs à Toronto en 2001 deux prix Dora Mavor Moore dans les catégories meilleure nouvelle chorégraphie et meilleure interprétation. Il est difficile pourtant d'évaluer cette pièce à travers la notion d'interprétation tant l'expression produite sur scène est le fruit d'une science corporelle personnelle. Plutôt qu'interprétation, on préfère en effet le mot expressivité tant les gestes, du plus interne ou plus externe, frappent nos consciences. Mythique fantôme de nos mémoires de théâtre, Artaud soudainement semble réapparaître dans la danse de Benoît Lachambre. Si les mots, phrases d'actions scandées par Benoît Lachambre, agissent comme des catapulteurs d'émotions, c'est la danse dans un processus de recherche bien précis qui marque le geste du souvenir. “Certaines personnes, explique Benoît Lachambre, diraient que c'est du théâtre, mais pour moi c'est vraiment de la danse parce que c'est son processus qui m'amène à regarder les patrons énergétiques internes qui relient la pensée et qui sont du mouvement de la pensée. Ensuite, je vois comment ces mouvements là constituent une danse”.

Pièce d'une grande noirceur, bien que traversée d'un esprit farceur, Délire Défait tente de comprendre ce qui est disfonctionnel. A partir du dynamisme disfonctionnel, le chorégraphe voit “comment l'esprit peut chavirer”. La vie cassée, brisée est maintes fois mentionnée dans ce spectacle hanté par la fragilité, de la mort du nouveau-né à l'emprisonnement du drogué. Au sol, des cercles tracés sont là pour amplifier ce mouvement qui ne tourne pas rond. A la verticale, des portraits de l'artiste sont là pour évoquer tous les abîmes vécus entre soi et soi-même. D'une image à l'autre, d'un geste glissé sur un mot, Benoît Lachambre éclate sa propre biographie, tout en prenant soin d'inventer le souvenir qui permet à l'homme de se trouver.
La danse, debout, au sol, ou assise, repose sur un jeu de perception dans un espace interne-externe sensible dans lequel les appuis sont infinis : corps énergétique, perception thermique, visuelle, sonore, spatiale... “Je cherche à changer les façons de communiquer ou de percevoir la communication, de jouer avec la perception des intensités qui émanent de la communication. Je m'adresse à un système de perception interne dans son rapport à l'externe. Par exemple, comment les fonctions optiques passent dans le cerveau puis sont reliées par l'atlas et puis le long de la colonne vertébrale tout en s'appuyant sur des centres. Comment on peut harmoniser la fonction optique, voir comment on regarde, on perçoit et puis osciller dans la fonction du regard, cela permet de recevoir autrement... C'est génial - j'adore - c'est très aigu, c'est beaucoup de travail mais tellement en éveil qu'il n'y a pas de limite. Ce qui prime, c'est à quel système on s'adresse pour faire un mouvement, à quelle cohabitation de systèmes pour être dans le mouvement. Il faut savoir, poursuit Benoît Lachambre, avoir confiance dans le système sympathique de celui qui regarde. S'il y a une chute interne chez moi, il va y avoir une perception de cette chute chez le spectateur et il faut la prendre en considération. Qu'est-ce que ces chutes là vont établir comme dynamisme de communication?”
Délire défait est un solo magistral, un puissant dialogue avec le spectateur, une ouverture au monde, une ligne brisée qui se poursuit longtemps.