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Théâtre de la Bastille

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Automne et hiver.


24 fev > 08 avr

Mené comme un véritable "suspense psychologique", le spectacle commence à la fin du repas dominical.

Du 24 février au 25 mars spectacle à 21h, dimanche à 17h et du 28 mars au 8 avril spectacle à 19h (dimanche inclus).

Automne et hiver

Texte de Lars Norén. Mise en scène de Pierre Maillet et Mélanie Leray . Avec David-Jeanne Comello, Mélanie Leray, Catherine Riaux, Valérie Schwarcz. Avec la participation de Mario Batista. Traduction Jean-Louis Jacopin, Per Nygren et Marie de La Roche. Costumes Mélanie Leray et Laure Mathéo. Lumière et son Mélanie Leray et Pierre Maillet.

Un dîner familial, tout ce qu'il y a de plus banal. « Les familles heureuses n'ont pas d'histoire »,comme le rappelle Léon Tolstoï en ouverture de son roman Anna Karénine. C'est justement là que ça se gâte. Le cocon familial s'avère parfois le pire endroit du monde. Même si en apparence tout va bien. Autour de la table, il y a le père et la mère et, ce soir-là, leurs deux filles qui ont déjà atteint la quarantaine. En général, une fois le repas terminé, elles ne tardent pas à prendre congé. Il n'y a plus alors qu'à enlever le couvert, laver la vaisselle et puis se mettre au lit, la conscience tranquille. Tout le monde semble satisfait. La table une fois desservie, les miettes balayées, il ne reste plus la moindre trace du dîner. Mais cette fois, c'est différent. Les filles s'attardent. Il y a quelque chose qui ne passe pas. Une vieille affaire mal digérée qui perturbe soudain le cours trop limpide des choses. Et qui, en même temps, a du mal à sortir.
Ainsi se présente Automne et hiver, huis clos familial du dramaturge, metteur en scène et directeur de théâtre suédois Lars Norén. Mélanie Leray et Pierre Maillet, du collectif Les Lucioles, ont été particulièrement frappés par la puissance insidieuse de cette pièce. « Son traitement de la question de la famille m'a impressionnée, dit Mélanie Leray. Cette pièce a été écrite en 1987, une époque où Lars Norén était très préoccupé par ce thème. Comme si c'était à l'intérieur de la cellule familiale que naissaient beaucoup de nos problèmes. Mais il ne s'agit pas ici de conflit de générations. C'est plutôt une vieille histoire qui ressurgit, peut-être à cause d'un mot de trop, d'une allusion ou, plus vraisemblablement, à la suite du mal-être d'Anna, une des deux filles, qui a moins bien réussi socialement que sa sœur. Elle essaie de faire avouer quelque chose à ses parents et, progressivement, cela s'enfle ; c'est de l'ordre de l'accusation. »
Que s'est-il passé ? Difficile à dire. L'écriture de Lars Norén est d'autant plus efficace qu'elle dissimule autant qu'elle dévoile. « On ne sait pas bien ce qui va sortir de tout ça, remarque Pierre Maillet. S'agit-il de violence, d'humiliation, d'inceste, ou peut-être de quelque chose de plus diffus ? Cela reste latent. Et finalement, on l'ignore ; on ne peut que l'imaginer. Une chose est sûre, c'est que la parole sert de révélateur. C'est formidable, ce rôle des mots chez Lars Norén. D'autant qu'il y a des personnages très bavards et d'autres qui ne disent pratiquement rien. Ici, c'est la mère et Anne qui ne cessent de se disputer. Elles ont une relation problématique qui passe par une inflation verbale. Mais ce qui est troublant, c'est le rapport entre ceux qui parlent et ceux qui ne parlent pas. Au fond, c'est la même impuissance. On raconte même que lorsqu'il dirige des acteurs, Lars Norén insiste beaucoup plus sur ceux qui ne disent rien que sur les autres. Comme si tous ces mots devaient s'épuiser sur fond de silence. Alors, on a le sentiment que dans cette pièce, il n'y a pas de drame à proprement parler. Les protagonistes ont tous raison et ils ont tous tort. Et c'est quelque chose d'une tendresse énorme. C'est rare de traduire comme ça la justesse des rapports humains, sans forcer le trait, sans voyeurisme. » Pierre Maillet co-signe la mise en scène de ce spectacle, qui a tourné dans les villages d'Ille-et-Vilaine où sont basées Les Lucioles, avec Mélanie Leray qui joue aussi dans la pièce. « Au départ, il était question que j'assume seule la mise en scène, explique cette dernière. Mais Pierre pensait que je devais absolument interpréter aussi un des personnages. Seulement, cela me semblait trop risqué d'être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur. Maintenant, je sais comment m'y prendre et je suis ravie de l'expérience. »