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Théâtre de la Bastille

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Disparate n°5 : 5 misterios.


08 dec > 14 dec

5 misterios évoque les cinq sens, antennes de connexion où vient s'articuler un kaléidoscope de personnages.

Disparate n° 5 : 5 misterios
Création, mise en scène et interprétation de Monica Valenciano – Espagne.

Monica Valenciano ne s'intéresse ni au succès, ni aux réseaux, mais uniquement à l'étrangeté de son monde, extrêmement personnel et virtuose. Après sept ans de travail en chorale avec la compagnie El Bailadero, elle décide d'aborder une nouvelle fois un solo en tant que créatrice et interprète. C'est à partir de cette expérience de transformation personnelle que s'est créée cette pièce qui n'en est pas une. 5 misterios (5 mystères) évoque les cinq sens, antennes de connexion où vient s'articuler un kaléidoscope de personnages.

« C'est un enfant sale qui aura la révélation de la danse car il sait comment trouver de beaux gestes ». Quand Tatsumi Hijikata (l'initiateur japonais du Butô) disait cela, il faisait simplement remarquer que la création n'est pas affaire de bienséance, et que tous les conservatoires du monde (il en faut, certes) n'empêcheront pas que des diamants inconnus émergent de la fange. En espagnol, un mot désigne cela : « cutre ». Quelque chose de « muy cutre » est très sale - terrain vague, attitude impolie, etc., mais chaque fois que j'ai entendu employer ce mot, il ne charriait aucun rejet mais au contraire une certaine jubilation face à quelque chose qui n'aurait pas encore été mis en ordre, laissé à l'abandon, déjouant le simulacre des convenances. D'une certaine manière, la danse de Mónica Valenciano est « muy cutre ». Elle ne cherche pas, en tout cas, à être propre sur elle. À la fois narquoise et effarouchée. Mordante et mordue.
La première fois que j'ai vu Mónica Valenciano, égarée à Montréal, un soir à minuit dans un improbable petit théâtre qui faisait face à un asile pour clochards, il m'avait semblé découvrir une petite-fille de Valeska Gert, danseuse satirique et grotesque allemande, qui raillait le bourgeois dans ses solos bagarreurs, avait fui le nazisme dès 1933 et avait ouvert à New York un « bar des mendiants » où Tennessee Williams terminait ses nuits. Mónica Valenciano n'avait pourtant jamais entendu parler de Valeska Gert, elle parlait la langue de Quevedo avec une sorte d'ironie rieuse perchée dans la voix, était oiseau des Canaries ayant fait son nid à Madrid, dans l'Espagne fraîchement sortie du franquisme.
La retrouver douze ans plus tard, sur la scène du Théâtre de la Bastille, en même temps qu'Olga Mesa, autre « enfant sale » de la danse espagnole ; c'est imaginer que la nuit parisienne va s'enrichir furtivement d'une petite étoile irrévérencieuse et dissidente... et à elle seule, effectivement, d'une solitude peuplée d'une foule d'absences « disparates », Mónica Valenciano tient le ciel dans sa pupille, elle chante d'une voix rauque et nocturne, se cogne à la lumière des projecteurs, et elle danse comme ça lui vient, dans l'obsédant mélange de la nuit et de l'enfance, avec sur les lèvres cet étrange sourire qui est, disait Valeska Gert, l'ultime force de résistance de ceux qui n'ont rien à perdre.

Jean-Marc Adolphe

Création, mise en scène et interprétation Mónica Valenciano. Collaboration Norma Kraydeberg. Photographie Teresa Serigó. Diapositives Nekane Santamaría. Lumière Cora. Design graphique Andrés Martínez La Torre. Production Nines Martín. Distribution Catherine Sardella. Assistante de production Sara Martín. Coproduction Comunidad de Madrid/Cuarta Pared y Socaem/El ojo de la faraona. Réalisation Théâtre de la Bastille.