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Théâtre de la Bastille

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Dance on Glasses.


16 sept > 24 sept

Une jeune écriture incandescente et tranchante, où l'obstination à refuser révèle la faim de s'affranchir.

16 au 24 septembre
à 21 h, dimanche à 17 h, relâche le lundi



Dance on Glasses.



Texte et mise en scène d'Amir Reza Koohestani. Chorégraphie Ehsan Hemmat, Sara Reyhani. Avec Ali Moini, Sharare Mansourabadi. Danseuse : Sara Reyhani (Iran). Décor, éclairage et son d'Amir Reza Koohestani . Costumes et maquillage Ali Moini et Sharare Mansourabadi . Sélection musicale Amir Reza Koohestani et Ehsan Hemmat. Composition vocale Ali Moini. Lumière Mohammad Abbassi. Production Iran Dramatical Arts Center. Coproduction KunstenFestival des arts Bruxelles. Réalisation Théâtre de la Bastille. Avec le soutient du centre national de la danse.

Elle et lui sont assis, chacun à l'extrémité d'une table longue de... quatre mètres. Lui, probablement, veut dire son amour. Mais ce faisant, Amir Reza Koohestani brosse aussi le tableau de la femme en Iran. Une jeune écriture incandescente et tranchante, où l'obstination à refuser révèle la faim de s'affranchir. Un art du détail, un art �en situation� unique en Iran. Dance on Glasses est la troisième pièce d'Amir Reza Koohestani. Le Théâtre de la Bastille a présenté en mai dernier sa dernière création Amid the Clouds.


Le théâtre envouté d'Amir Reza Koohestani.

Comment est né Dance on Glasses ?
Amir Reza Koohestani : J'ai d'abord pensé à une scénographie bien précise. Une table très longue avec une chaise à chaque extrémité et, face à face, un homme et une femme. C'est à partir de ça qu'est née l'histoire. J'avais lu pas mal de choses sur des jeunes filles qui s'évadaient du foyer familial en quête d'indépendance. Donc, mon personnage féminin serait une jeune fille qui a fui de ses chez parents. Au même moment, je m'intéressais beaucoup à Shiva, le dieu indien de la danse. Or, en Iran, Shiva est un prénom féminin très répandu. Donc, ce prénom devenait un moyen de créer un lien entre le dieu et la jeune fille. Seulement, ce lien c'est le garçon qui le fait apparaître. Il est passionnément amoureux d'elle. Mais, en même temps, il est incapable de dire « Je t'aime ». La seule façon qu'il trouve de se rapprocher d'elle, c'est de l'associer avec Shiva, déesse de la danse. Mais la fille ne comprend pas le sens de sa quête. Elle ne sait pas à quoi il joue. En fait, le rêve ne l'intéresse pas. Elle veut du concret, un travail, de l'argent, un appartement où dormir.

C'est donc un complet malentendu entre eux. Une distance infranchissable que manifeste cette table très longue qui les sépare...
Ils ont beau parler, rien ne les rapproche. C'est quelque chose d'immuable. Aucun ne fait le moindre pas en direction de l'autre. Même si chacun attend que l'autre fasse un geste pour se rapprocher. Tous deux parlent et s'acharnent en suivant leur idée, mais sans opérer le moindre mouvement vers l'autre. C'est tragique car cela se transforme en une sorte de combat. À la fin, quand tout s'est effondré, le garçon entreprend de s'approcher de la fille. Mais elle l'arrête net, en lui interdisant de faire un pas de plus. Alors, il revient à sa place.

Il y a cependant une certaine magie, une atmosphère poétique qui enveloppe tout le spectacle. On pense beaucoup au roman La Chouette aveugle de Sadeg Hedayat. Êtes-vous d'accord avec ce rapprochement ?
Tout le monde m'en parle, donc il y a certainement un rapport. Il faut savoir que pour la littérature iranienne contemporaine, Sadeg Hedayat est aussi important que Shakespeare a pu l'être pour l'Angleterre du XVIIe siècle. Pour nous, tout a commencé avec Sadeg Hedayat. La littérature iranienne est avant tout poétique. Et le premier à rompre avec cela en écrivant un roman, c'est Sadeg Hedayat. En Iran, vous trouverez beaucoup de personnes âgées qui ne savent ni lire ni écrire, mais vous pouvez être sûr qu'ils connaissent par c�ur des centaines de poèmes.

Vous vivez à Chiraz où votre père travaille comme ingénieur. Vos parents ne s'intéressaient guère au théâtre ni à la littérature. Qu'est-ce qui vous a amené à écrire et à devenir metteur en scène ?
Presque le hasard. À l'école, j'étais gardien de but dans une équipe de football où jouait aussi le fils du romancier Amin Faghiri, qui est très célèbre en Iran. Cet homme m'a encouragé à écrire. Plus tard, j'ai suivi des cours dans une école de cinéma. Je ne sais pas pourquoi je n'ai jamais réussi à aller jusqu'au bout d'un projet et à réaliser un film. Mais j'y ai rencontré un membre du Mehr Teatrical Group qui, ayant lu une de mes nouvelles, m'a conseillé de la mettre en scène. Le plus amusant, c'est que je n'avais encore jamais mis les pieds dans un théâtre de ma vie. Tout de suite, je me suis senti très bien avec les gens du Mehr. J'aimais leur façon de travailler. J'ai vite compris que je ne serais jamais un acteur de théâtre, alors je me suis concentré sur l'écriture et la mise en scène. Désormais, j'écris exclusivement pour le théâtre.

Propos recueillis par Hugues Le Tanneur